
Fac, j’ai eu une deuxième césarienne
J’ai les deux mains libres, un thé et un morceau de tarte sur le coin du bureau. Moment gras, moment de grâce (durera? durera pas?) qui me permet de vous raconter mon deuxième accouchement. Vous êtes nombreuses à attendre le récit, étant donné que vous savez déjà le dénouement. Certaines d’entre vous ce sont inquiétées de mon silence. J’en profite pour vous remercier pour tous vos mots d’encouragement et d’amour avant-pendant-après 🙂
Sachez que je continue de vivre selon le motto maternel « Il faut toujours choisir les siestes » et que lorsque je ne dors pas, j’ai les bras pleins et un sein sorti. Étant donné qu’Alice ne sait pas encore taper sur le clavier, je ne peux malheureusement pas lui dicter mes billets. On l’entraîne à la propreté et tout de suite après, je la mets sur là-dessus.
Ce billet est commandité par la section Accouchement du site web Maman pour la vie.
Voilà donc mon Baby Story (cue infographie pastel)
Il y a quelques semaines, je vous avais confié que je désirais tenter un AVAC et que je buvais des litres de tisane de feuilles de framboisier dans l’espoir que le travail se déclenche naturellement. Et bien, l’infusion a fait la job! J’ai eu quelques contractions disparates dans la nuit du jeudi 8 novembre qui ont disparu lorsque j’ai pris un bain. J’en ai eu quelques unes pendant la journée, mais le vendredi 9 novembre, quelques minutes après minuit, c’est parti pour de bon.
Jonathan, support affectif et logistique, a téléchargé une app pour calculer la durée et la fréquence des contractions. Vers 4 heures du matin, j’en était aux 5 minutes avec des contractions qui augmentaient en durée et en douleur. Oh que oui. Même après une trentaine d’heures de travail lors de mon premier accouchement, je n’avais pas eu aussi mal. Vers 5h30, on appelle ma soeur: on s’en va à l’hôpital, viens garder Alice. Matante Nadine ne s’est jamais levée aussi vite de son lit. Je pense qu’elle est arrivée trois minutes plus tard.
Embarque dans le taxi. J’ai mal au coeur. On a oublié le sac de plastique sur le comptoir de la cuisine. Le chauffeur me prête son verre de café Tim Hortons vide, d’un coup. Je lui ai rendu intact finalement.
Arrivés à l’hôpital de Lasalle, je sens que les contractions ont ralenti de cadence mais pas d’intensité. On me plogue le moniteur, je m’étends et l’infirmière m’examine. Je suis dilatée à un centimètre. UN PETIT CENTIMÈTRE. Comme je l’ai été toute la semaine. PARDON? Et l’infirmière qui me dit que je devrai peut-être retourner à la maison, je suis encore en phase de latence… Je ne comprends pas pourquoi mon corps me fait souffrir autant et que rien ne se passe. Sur le papier qui sort du moniteur, le sommet de mes contractions sort du papier quadrillé. Je suis sous le choc. En fait, je suis en tabarnak.
L’infirmière me propose soit d’aller prendre une marche ou d’aller dans le bain tourbillon. L’une ou l’autre de ces activités nous confirmera si le travail est commencé ou pas. Je choisis le bain tourbillon. Je m’y trempe une trentaine de minutes en braillant et en sacrant. Je veux tellement pas retourner chez nous. Jonathan semble un peu désemparé. Il s’accroche au recensement des contractions sur son gros téléphone intelligent.
Un peu après huit heures, l’infirmière revient. Moment de vérité. Je suis dilatée à 3 centimètres et mon col est complètement effacé. BON. Me semblait ben aussi.
On attend la gynécologue. Lorsqu’elle tasse le rideau bleu, Jonathan et moi sommes un peu déstabilisés: elle est vraiment très belle. Genre, une des plus femmes dans la quarantaine que j’ai rencontrée dans ma vie. Son visage était si harmonieux, c’est comme si elle irradiait de la lumière. Sans blague.
Elle me dit joyeusement: « T’es admise! » On discute de ma première césarienne, de l’AVAC et elle me dit qu’elle fera tout pour que ça fonctionne, en respectant un cadre sécuritaire pour tout le monde. C’est bon, je connais les conditions. Finalement, elle lance le meilleur encouragement de la journée: « Peu importe ce qui arrive, tu vas avoir ton bébé aujourd’hui! » OUI MADAME. Ce soir, ce bébé sera dans mes bras.
En attendant que je sorte du triage et qu’on prépare la salle d’accouchement, les contractions continuent à battre leur plein. J’ai jamais eu mal de même. Je suis debout, je m’agrippe au mur, à Jonathan. Mon utérus veut exploser, j’essaie de respirer, de me concentrer sur la douleur, de descendre dans mon corps, mais c’est si long… 90 secondes d’enfer à la fois. Je me mets à gémir, ça soulage un peu.
J’arrive dans la salle d’accouchement/ma chambre vers 10h. À 11h, je demande la péridurale. Je m’en fous si ça retarde le travail, j’en peux vraiment pu. Gémir, c’est pu assez. Je crie. Moi, Marianne Prairie, la fille groundée, je résonne jusque dans le corridor. Pittoresque.
L’anesthésiste est pris en salle d’opération. On doit attendre. Une heure passe. Mes membranes fissurent. Deux heures passent. Je crie toujours. Finalement, alors que j’avais perdu tout espoir, il arrive en trombe dans la chambre. Je l’ai attendu près de trois heures. Il ressemble beaucoup à l’anesthésiste que j’ai eu au Royal Victoria: jeune anglo sympathique, grand dude avec de belles lunettes. Il doit y avoir un casting spécial à l’école d’anesthésie. Ce casting me plaît.
Il me gèle, ça marche à moitié. Tout la partie gauche de mon corps continue à ressentir la douleur vive des contractions. Je ne comprends pas pourquoi j’ai encore mal. « Couche toi sur le côté gauche. ». J’ai encore mal. « On va augmenter ta dose. » Ça marche un peu. « OK, on va l’augmenter encore. » Bon. Enfin. Je suis soulagée.
La belle gynécologue revient. Elle crève ce qui reste de mes eaux et m’évalue. Je suis rendue à 5 centimètres. Juste ça? JUSTE CINQ? J’ai eu des contractions de la mort pendant six heures pour deux minuscules centimètres de plus? Ça ressemble drôlement à mon premier accouchement. Mon corps ne coopère pas. Ça stalle. Feeling de déjà vu. Encore un bébé mal placé? Le doute est maintenant installé dans ma tête: il n’y aura pas d’AVAC. C’est trop long. La gynéco me confirme: s’il n’y a pas de progrès pendant les deux prochaines heures, on s’en va en salle d’opération.
Rendue à ce point, je m’en fous. Je veux juste avoir mon bébé. J’ai travaillé fort, j’ai essayé. Jonathan me demande si je serai déçue d’avoir une deuxième césarienne. Sincèrement? Aucune déception. J’écoute mon utérus, il me dit « ça marche pas de ce bord-là ». J’ai pas le goût de m’acharner et de me battre pour un AVAC: je viens livrer le combat de ma vie à mon propre corps pendant plusieurs heures. En fait, je veux qu’on en finisse.
En y pensant bien, est-ce que le « rêve » de l’accouchement vaginal était vraiment le mien? Est-ce que c’était mon souhait le plus grand de pousser un bébé hors de moi?
La réponse est non. Ça me laisse indifférente. Vraiment.
Je suis au courant de toutes les infos médicales: oui, un accouchement vaginal est préférable à une césarienne. Pour plusieurs raisons factuelles et évidentes (hello la convalescence). Mais du côté émotif, je le redis, une césarienne n’est pas un moins bon accouchement. Et une deuxième césarienne n’est pas nécessairement un AVAC raté, un échec. Je comprends par contre que certaines femmes le vivent plus difficilement, je le conçois complètement. Mais est-ce qu’on peut aussi accepter qu’une femme vive bien avec ses césariennes? Que ce n’est pas nécessairement une expérience traumatisante? Qu’on cesse de porter un jugement qui laisse entendre « Ça aurait pu se passer autrement »? « Encore une opération médicale de trop »?
Inutile de vous dire, deux heures plus tard, j’étais toujours à cinq centimètres. Le bébé n’avait pas descendu et ma cicatrice s’étirait de façon inquiétante. Allez hop, en salle d’opération. J’étais plutôt calme, je savais comment ça allait se passer. Même chose pour Jonathan. Et comme de fait, ça s’est passé comme la première fois. En fait, Léonie ressemblait tellement à Alice, j’ai vraiment eu l’impression d’accoucher du même bébé!
Elle est née le vendredi 9 novembre à 17h25. Elle pesait 6 livres 5 onces et mesurait 19 pouces et demi. (Pour la petite histoire, Alice est aussi née un vendredi 9…)
Mais ce qui avait changé, c’est mon regard. Je ne suis plus une fille qui accueille un changement radical dans sa vie, c’est déjà fait. Je suis maman depuis deux ans et demi. Je sais ce qui s’en vient. J’ai hâte même si je sais que ça va être fou. Quand je l’ai vue, je l’ai trouvée calme et belle. Mon coeur était prêt. Je l’ai aimée tout de suite.