
S’aimer, dix ans
Cette nuit, ça fera dix ans que Jonathan et moi, on s’est dit qu’on s’aimait. Sur la mezzanine où était déposé son matelas, dans son loft hanté du Mile-End, on s’est ben aperçu qu’on se préférait à tous les autres.
Pourtant, on était pas supposés s’engager. On voulait don’ être liiiiiibres. J’avais le 22 ans fringant et lui la presque-trentaine désabusée. Mais faut se laisser surprendre parfois. Une relation comme celle-là, ça ne se pouvait pas. En fait, je ne savais pas que ça se pouvait. Et surtout, je ne savais pas que c’était exactement ce dont j’avais besoin.
J’avais besoin d’un skateux romantique. D’un geek verbomoteur. D’un ex-raver visionnaire. D’un hypocondriaque comique. D’un grand fou sensible. D’un shaman qui fait du beatbox.
Un vrai de vrai partenaire de vie, avec qui j’aurais envie de faire de petites et de grandes choses.
Après un mariage, une fausse couche, un voyage, des partys, deux enfants, un condo, des hospitalisations et des start-ups, je peux dire que je suis fière de nous. Cette fierté, ce n’est pas celle d’avoir réussi à tougher la run, c’est celle d’avoir réussi à créer un « nous » super soudé alors que « toi » et « moi », nous sommes toujours libres.
Dix ans, babe.
Les épreuves nous ont rapprochés. Le travail nous a éloignés. Les enfants nous challengent et nous comblent en même temps. L’amour évolue, nous, on vieillit. On est fatigués, mais on se trouve toujours beaux.
Car malgré tout, on est capable de se parler. En fait, on est vraiment bons là-dedans. On est mêmes doués pour sortir de notre corps et se regarder aller d’en haut, comme si on était dans un jeu vidéo.
Merci de tolérer mes humeurs de marde d’auteure et de mère. Merci d’avoir travaillé pour me permettre d’écrire des livres. Merci d’avoir choisi les même priorités que moi. Merci d’être weird, de la meilleure façon qui soit. Merci d’avoir créé deux humaines avec moi.
Me réveiller auprès de toi, tous les matins où on est seuls dans notre lit, et te sniffer le cou, ça me fait capoter de bonheur. Tes phéromones sentent bonnes.
DIX ANS, BABE. Peux-tu croire?
Je t’aime.